Rapport annuel mondial sur le système économique et les stratégies (RAMSES) 2026

Avec son « rapport annuel mondial sur le système économique et les stratégies » (RAMSES) 2026, coordonné par Thierry de Montbrial et Dominique David, l’IFRI propose une analyse des dynamiques géopolitiques et géoéconomiques en cours, ainsi que quelques perspectives pour les années à venir. Cette parution est le résultat du travail d’une trentaine d’experts et s’accompagne de la publication de huit vidéos d’entretiens avec des chercheurs de l’IFRI, disponibles sur cette page.

Le RAMSES 2026 revient sur des tendances de fond qui sont désormais bien connues : une fragmentation des mondes politique, économique et stratégique, mais aussi la montée des nationalismes, un recul du multilatéralisme et une exacerbation des rivalités entre les grandes puissances. Alors que l’ordre mondial paraît dominé par les logiques de puissance exclusives et la maximisation d’intérêts nationaux parfois concurrents, la capacité des États à coopérer à l’échelle mondiale semble menacée.

Le rapport est introduit par Thierry de Montbrial, qui revient sur quelques éléments marquants de l’année passée. Il conclut en présentant ce qu’il appelle « une crise de civilisation » (p. 27), qui serait causée en premier lieu par la révolution numérique et s’observerait à travers une chute généralisée du niveau d’éducation, l’altération de la valeur accordée aux sciences, à l’expertise et à la mémoire, et la fragmentation des sociétés. Cette crise exhorterait notamment les pays européens à redéfinir et donner du sens à leur identité (propre et européenne) pour faire corps et répondre aux exigences de défense et aux défis économiques. Cette interprétation d’un déclin culturel et identitaire met en lumière certains déséquilibres contemporains et reflète une certaine vision de la modernité, qui reste discutable par certains aspects.

Dans un deuxième temps, le rapport propose des papiers articulés autour de trois grandes questions. D’abord, une réflexion sur le multilatéralisme et ses outils (droit international, enceintes multilatérales), sa capacité à tenir bon face aux critiques, son impuissance apparente à répondre aux crises et aux enjeux mondiaux (climat, santé, technologies, sécurité, démographique, etc.) et son potentiel pour les résoudre. Ensuite, l’étude se penche sur l’Europe et les défis qu’elle rencontre : la guerre en Ukraine, la protection de son territoire, la concurrence stratégique de l’Organisation du traité de l’Atlantique Nord (OTAN) avec la Russie, en particulier en Arctique, l’instabilité au Proche-Orient et en Afrique, ainsi que ses liens avec les États-Unis. Une troisième section, sous la direction d’Alain Antil, se concentre sur l’Afrique ; elle évoque par exemple les revendications portées par une jeunesse qui a soif de changement, les perspectives de développement économique, les nouveaux partenaires de ce développement (Chine, pays du Golfe), les dynamiques de peuplement et de mobilité, la fragmentation géopolitique, ou encore les questions sécuritaires.

Le rapport propose enfin une exploration de questions posées par le contexte géopolitique mondial :

  • La Russie et la guerre en Ukraine, ses relations avec les autres puissances mondiales.
  • Les recompositions géopolitiques au Moyen-Orient, la politique étrangère algérienne.
  • Le retour de Trump et les tensions dans les Amériques.
  • L’évolution des coopérations au sein de l’Union européenne, la défense européenne, la montée des extrêmes.
  • La compétition sino-américaine, la situation taiwanaise, les revendications territoriales en mer de Chine méridionale, la posture de l’Inde, les défis en Asie de l’Est.
  • Les enjeux climatiques et énergétiques.
  • Les évolutions du système monétaire international, le piège du revenu intermédiaire.
  • Les pratiques d’intimidation (sharp power), les nouvelles aires de compétition stratégique (espace, Antarctique).
  • Les défis technologiques liés à l’intelligence artificielle, en particulier la rivalité entre la Chine et les États-Unis.

La quatrième et dernière section fournit quelques repères chronologiques, des données chiffrées et des cartes pour illustrer les propos du rapport.

Le RAMSES propose un large panorama des dynamiques géopolitiques et géoéconomiques mondiales, ce qui permet de construire rapidement une vision assez complète des tendances à l’œuvre en 2026. Ce choix de format présente toutefois ses limites : la brièveté des contributions a pour conséquence un relatif survol des questions abordées dans les papiers. Par ailleurs, il convient de noter que le rapport propose une lecture plutôt européenne / américano-centrée, ce qui présente des intérêts, mais limite la prise en compte d’autres logiques régionales et culturelles. Cela peut conduire à minimiser le rôle de certaines puissances, voire à les rendre en apparence secondaires dans le jeu international. On notera que certains articles ont un intérêt prospectif, en particulier dans la partie sur la gouvernance mondiale. De plus, les cartes proposées en fin d’ouvrage sont très appréciables pour compléter la lecture des contributions. Dans l’ensemble, cette édition du RAMSES reste très éclairante et remplit l’ambition qu’elle s’est fixée.