Le Niger ouvre la vente libre de son uranium et tourne la page Orano

En choisissant de vendre directement son uranium sur le marché international, le Niger rompt avec Orano et redéfinit sa stratégie énergétique et diplomatique.

Le Niger a décidé d’écouler librement sa production d’uranium, une ressource stratégique qui représentait jusqu’ici un espace de coopération sous forte influence française. Cette orientation nouvelle confirme la fin du partenariat historique avec Orano et recompose les alliances du pays dans un secteur clé.

Le départ d’Orano, symbole d’une ère révolue.

Le retrait progressif d’Orano du Niger n’est pas un simple incident industriel. Il s’inscrit dans un basculement politique où Niamey réaffirme son autonomie. La nationalisation de la Somaïr a été le point de rupture décisif : l’État nigérien a récupéré un outil minier majeur et mis fin à plusieurs décennies de gestion partagée. Ce changement intervient alors qu’Orano avait déjà perdu la maîtrise opérationnelle de ses implantations. La perte des permis, les tensions autour des sites et les procédures internationales engagées ont rendu impossible la poursuite du modèle hérité des années précédentes. Pour Niamey, il s’agit désormais de bâtir une nouvelle stratégie énergétique sans intermédiaire dominant.

L’éloignement du Niger vis-à-vis de la France s’est aussi traduit dans le dossier minier. Les autorités nigériennes considèrent l’uranium comme un instrument de souveraineté. Elles veulent disposer librement de leurs stocks, choisir leurs acheteurs et valoriser la ressource selon leurs propres critères. Ce repositionnement touche également la sphère de la Défense et des alliances régionales. En reconfigurant ses partenariats, le Niger se tourne vers des acteurs prêts à investir ou à sécuriser une part du marché, sans les cadres historiques de coopération qui liaient Niamey à l’ex-puissance coloniale. L’uranium devient alors un levier diplomatique autant qu’un produit commercial.

Un marché nucléaire sensible à l’offre nigérienne.

L’entrée directe de l’uranium nigérien sur les places internationales modifie un marché déjà soumis à de fortes pressions. Le Niger extrait une part notable de l’uranium naturel mondial et dispose de gisements considérables. L’exploitation d’Imouraren, l’un des plus vastes du globe, illustre le potentiel du pays pour les années à venir. Mettre cette production en vente sans passer par des accords bilatéraux perturbe les habitudes. Les acheteurs doivent s’adapter à un pays qui affirme pleinement son rôle. Les volumes proposés deviennent un facteur pouvant influencer les cours, d’autant que les besoins en combustible nucléaire augmentent dans plusieurs régions du monde.

En s’affranchissant du cadre ancien, le Niger ouvre la voie à des coopérations inédites. Des États désireux de sécuriser un approvisionnement stable voient dans ce changement une opportunité. Niamey, de son côté, cherche à équilibrer ses relations et à élargir le nombre d’acteurs capables de soutenir ses ambitions énergétiques. Cette diversification pourrait transformer durablement la carte mondiale de l’uranium. Les discussions engagées par plusieurs pays illustrent déjà une recomposition rapide. Les autorités nigériennes souhaitent attirer des investisseurs prêts à financer les infrastructures minières et logistiques nécessaires à une montée en puissance de la filière.

Jean-Baptiste Leroux.