Les commandes d’armes explosent face aux tensions internationales

Face aux tensions croissantes et aux conflits ouverts, les armées du monde entier se rééquipent massivement. Une course à l’armement portée par les États eux‑mêmes, où les fabricants répondent à une demande sans précédent : en 2024, les ventes d’armes ont atteint un sommet historique, réorientant en profondeur les politiques de défense.

Les chiffres consolidés du SIPRI confirment, en ce 1er décembre 2025, une accélération sans précédent de l’investissement militaire : les armées multiplient les commandes d’armes, gonflent leurs arsenaux, et relancent la production nationale. Cette dynamique bouleverse les équilibres géopolitiques et redéfinit les priorités des États.

Des armées en plein réarmement : une réponse directe aux crises.

L’année 2024 a vu les budgets militaires atteindre 2 720 milliards de dollars, soit une progression de 9,4 % par rapport à 2023, selon Reuters. Il s’agit de « la plus forte augmentation annuelle depuis la Guerre froide ». Derrière cette flambée, les armées redoublent d’efforts pour reconstituer des stocks, répondre aux conflits en cours ou se préparer à de futures escalades.

Le conflit en Ukraine a accéléré le mouvement. Les forces armées des pays de l’OTAN, en soutien à Kyiv, ont expédié des dizaines de milliers de tonnes de matériel — missiles, chars, artillerie. En parallèle, le Proche‑Orient s’embrase de nouveau, avec la guerre à Gaza, provoquant un besoin accru en équipements terrestres, systèmes antimissiles et munitions.

Face à cette double pression, les armées se transforment : la Suède et la Finlande, récemment intégrées à l’OTAN, renforcent leurs capacités. L’Allemagne, longtemps en retrait, multiplie les contrats. Même des pays comme le Japon ou la Corée du Sud investissent massivement, non seulement pour se défendre, mais aussi pour dissuader.

Vers une militarisation renforcée des États.

Cette demande militaire soutenue dope l’ensemble du secteur de la Défense. Selon un rapport du SIPRI relayé par The Telegraph, les 100 plus grands fabricants d’armes ont engrangé 679 milliards de dollars de revenus en 2024, soit une hausse de 5,9 %. Les armées sont les premières clientes.

Aux États‑Unis, les forces armées fédérales ont renforcé leurs commandes auprès de Lockheed Martin, Raytheon et Northrop Grumman, pour des systèmes Patriot, des drones tactiques et des munitions de précision. En Europe, le ministère français des Armées a finalisé plusieurs contrats avec Nexter, MBDA et Thales. Le Royaume‑Uni, de son côté, poursuit son effort de reconstitution des stocks de roquettes NLAW et de missiles Storm Shadow.

« Les armées européennes ont pris conscience de la fragilité de leurs stocks après les livraisons à l’Ukraine », souligne le SIPRI dans son rapport annuel. Ce constat a poussé plusieurs États à relancer la production sur leur territoire, dans une logique de souveraineté stratégique.

Une transformation structurelle des politiques de défense.

Plus qu’un simple rattrapage, les efforts de réarmement s’inscrivent désormais dans des feuilles de route à long terme. En Allemagne, la Bundeswehr a lancé un plan d’équipement de 100 milliards d’euros sur cinq ans. La France prévoit 413 milliards d’euros sur la période 2024–2030. Ces budgets colossaux ne visent pas uniquement à remplacer le matériel envoyé sur les fronts : ils traduisent une refonte doctrinale.

Les armées cherchent à se moderniser rapidement, avec des moyens plus mobiles, plus interopérables, et connectés aux champs cyber et spatial. Les États‑Majors misent sur des blindés nouvelle génération, des systèmes C2 (commandement et contrôle) augmentés par l’IA, et des chaînes logistiques plus résilientes.

Par ailleurs, la coopération s’intensifie entre États. Le programme SCAF (système de combat aérien du futur), mené par la France, l’Allemagne et l’Espagne, incarne cette dynamique européenne. Objectif : garantir une indépendance capacitaire face à des menaces plus diffuses et imprévisibles.

Des implications géopolitiques majeures.

Cette militarisation accrue des États n’est pas sans conséquences. L’essor simultané des armées nationales pourrait relancer des dynamiques de course aux armements. Déjà, l’Asie‑Pacifique observe un glissement stratégique : les budgets militaires chinois, indiens et sud‑coréens augmentent en parallèle.

L’autre risque réside dans les tensions régionales exacerbées par ces réarmements. La Turquie, l’Iran, l’Arabie saoudite et Israël renforcent également leurs capacités, dans une région où les équilibres sont précaires.

Enfin, le retour du paradigme de la dissuasion marque un tournant. Les armées se préparent désormais à des conflits de haute intensité, dans un environnement saturé d’informations, de brouillage électronique et d’interférences stratégiques. L’investissement dans les armes ne relève plus seulement de l’anticipation : il devient central dans l’affirmation de puissance.